De la communication aux communications — Le rôle du patron

Deux experts du Collectif Mû en discutent – Luc-Antoine Malo et Isabelle Quentin

IQ : Plus que les autres, les patrons partagent à la fois la responsabilité d’être compris et celle de comprendre leurs équipes. Sans le développement de ces aptitudes, c’est toute la santé de l’entreprise, sa capacité de fonctionnement et d’innovation qui est mise en péril.

Mais à la base de saines communications, il y a LA communication. Comment expliques-tu ça, Luc-Antoine ?

LAM : À la source de beaucoup de problèmes, c’est que les gens pensent qu’ils se comprennent. Alors qu’il n’en est rien. Seulement d’un point de vue humain et neuronal, c’est presque impossible.

La neuroscience explique bien ce phénomène. Chacune des informations captées par notre cerveau [mot, ton de voix, geste, etc.] est d’abord perçue par l’un de nos sens : visuel, auditif, kinesthésique, olfactif et gustatif. C’est notre système de perception. De là, l’information s’intègre en chacun de nous qui nous en créons une représentation interne [un film, une image, une bande sonore interne] qui devient l’essence de notre compréhension ce qui a été dit, fait, compris.

Comme les concepts sont clairs dans la tête de chacun, chacun pense que c’est la même chose pour l’autre, alors que ce n’est pas le cas.

  • Nos filtres nous poussent donc à sélectionner certaines informations qui diffèrent de notre cadre de référence habituel.
  • Nous avons aussi tendance à généraliser pour faciliter notre compréhension, de même que pour classer l’information et lui donner un sens.
  • Finalement, notre créativité et notre aptitude à la distorsion nous permettent d’imaginer et de forger notre propre réalité.

IQ : Ça suppose donc qu’ils doivent en être conscients à tout instant… et agir en conséquence.

Est-ce que ça commencerait par mieux écouter, peut-être ? Reformuler ce qu’ils comprennent des membres de leur équipe, en particulier leurs inquiétudes ou objections, pour pouvoir les vulgariser ?

Et ensuite, apporter leur propre point de vue ? Leur message ?

LAM : Oui, tout à fait, Isabelle. Le patron doit poser des questions pour clarifier la communication et s’assurer de bien comprendre les autres de sorte à limiter les malentendus.

Pour le patron comme pour ses employés, c’est normal de ne pas comprendre tous les mots, les filtres et les histoires personnelles. Il faut donc une bonne dose d’humilité et questionner ce qu’il a lui-même saisit.

C’est la même chose à propos de ce qu’il dit. Demander à l’autre s’il vous a compris est l’erreur classique. La réponse sera presque toujours « oui » alors que c’est rarement le cas.

Il faut donc demander à la personne ou au groupe ce qu’il a compris. Rester sincèrement attentif, à l’écoute.

C’est dans cet aller et retour que la clarté se fait et que la discussion est constructive. Et ça, c’est le rôle du patron. C’est sa responsabilité de base.

IQ : À nous entendre, les patrons peuvent avoir l’impression qu’on leur en demande beaucoup ! Heureusement, peu importe leur personnalité, ils peuvent y arriver. Et surtout, ils ne sont pas seuls. Comment ?

D’abord en restant eux-mêmes et en misant sur leurs qualités naturelles. Par exemple :

  • un analytique profitera de son talent pour tâcher de mieux décoder le non-dit, les réactions des uns et des autres ;
  • un bon conteur utilisera des analogies avec la nature pour atteindre toute l’équipe ou la salle devant laquelle il se trouve sans viser personne en particulier ;
  • un meneur amènera les siens à rêver.

Les patrons, selon leurs responsabilités, auront aussi à faire des discours publics, à expliquer des nouvelles politiques ou pratiques à leurs employés, à convaincre leurs collègues. Ici, à moins d’avoir tous les talents, il gagnera à :

  • avoir l’humilité de demander de la rétroaction à ses collègues… et s’il le fait, à les écouter avec ouverture ;
  • se faire aider par le responsable des communications de son entreprise ou par un expert externe pour clarifier sa pensée, écrire ses discours, apprendre à bouger sur scène, à s’accompagner d’une présentation visuelle percutante, développer un sondage interne pour mieux saisir le pouls des siens, transmettre un message cohérent sur l’intranet, etc.

LAM : Comme toi, je constate au quotidien que les entreprises perdent temps et argent à mal communiquer. Ça prend des milliers de formes ! Ça génère autant de retards et de pertes d’énergie et d’argent. Ça peut être aussi bête que ça :

Pierre donne une tâche comptable simple à un nouvel employé. Alexandre sort de l’école et il a appris à utiliser des méthodes que Pierre ne connaît pas. Le travail rendu n’est pas au goût de Pierre qui dit ne pas se sentir compris par Alexandre. Les deux personnes n’avaient simplement pas le même cadre de référence. 

Est-ce qu’on comprend qu’on ne se comprend pas ?

IQ : Les communications sont là pour expliquer à l’interne et à l’externe. Elles sont aussi là pour développer des stratégies de communication en écho aux enjeux d’entreprise. À soutenir leurs dirigeants dans leur capacité à transmettre des messages clairs, authentiques, selon les publics visés.

Mais ce sont les dirigeants de tous les niveaux qui sont responsables d’incarner la marque, de montrer la direction, de soutenir les leurs. Leurs messages, leur attitude doivent être constants. Sinon, ils laissent la place aux rumeurs, aux fausses idées, aux mensonges et aux conflits.

Et personne ne veut ça. Sauf leurs compétiteurs, bien entendu !

 

Luc-Antoine Malo. Management collaboratif et participatif. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin !

Isabelle Quentin. Direction en stratégie, contenus et produits de communication. Des communications sur mesure en réponse à vos enjeux d’entreprise !

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